Ranger les choses (et les gens) par catégorie, est dans la nature humaine et est (très) rassurant. Dans le milieu libertin, la tendance à catégoriser est aussi présente, en fonction de l’appétence pour telle ou telle pratique sexuelle (échangiste, côté à cotisme, etc), du degré de soumission (candauliste, cuckold, soumis, etc) et/ou du nombre de partenaires (deux, trois, gang bang, orgie). Si connaître les envies et les limites de chacun(e) est une chose fondamentale, on ne devrait pas se laisser enfermer dans une catégorie, pour autant.

Qui se ressemble s’assemble ?

Il y a quelques années, lors d’une soirée multi-couples et hommes seuls, j’ai été mise dans une case. J’étais en train d’entreprendre un coquin. Mais nos gestes, nos interactions n’étaient pas fluides. Il y avait de la gêne. Il semblait mal à l’aise et peinait à bander malgré mes efforts (maladroits peut être).

D’un coup, il vida son sac et me dit d’un ton grave, pour justifier peut-être un peu sa difficulté à bander et surtout notre manque de feeling et de complicité évidente : « De toute façon, ton homme et toi, vous faites du hard ».

Précisons dans le contexte que nous étions tous les deux avec nos moitiés respectives à une soirée organisée par un ami libertin commun (les amis de notre amis sont donc théoriquement nos amis et nous nous rejoignons aussi théoriquement sur l’esprit et les pratiques). Et nous avions également eu l’occasion de discuter autour d’un verre, et de constater une attirance commune, avant de nous retrouver sur ce matelas.

Je suis restée bloquée et surprise. (Grand) moment de solitude pour l’un comme pour l’autre. Souhaitant comprendre le fond de sa pensée, j’ai rebondis par une question : « comment ça hard ?! ». Mais il ne précisa pas sa pensée, à mon grand dam. Et je n’insistais pas, en me disant que ça n’était pas si dramatique que cela.

Nous décidèrent d’en rester là, en toute bienveillance malgré tout, mais non sans interrogation de mon côté (que j’ai toujours aujourd’hui).

Une question de perception et de curseur

Je suis convaincue qu’il y avait dans le fond une question de perception et de curseur. Ce libertin et sa femme pratiquaient l’échangisme et aimaient, a priori, coquiner plutôt en duo (et pas plus). Cela semblait être leur mode de fonctionnement, de ce que j’avais pu observer ce soir là.

Je supposais donc que mon appétence pour la pluralité masculine et les orgies devaient lui paraître hard (Le monde libertin est un petit monde, vous seriez surpris de voir à quel point les « réputations » sont vite faites). Peut-être se disait-il, par rapport à son échelle de perception, que ce type de pratique appelait la quantité et non la qualité, la bestialité et non la sensualité.

D’où le manque de fluidité entre nous.

Mais ce qui me gênait vraiment, dans le fond, est que je percevais dans le mot « hard » un forme de jugement de valeurs, avec une part de projection de ses propres limites, une façon de dire « je ne suis pas comme ça, moi ». Pour un libertin, c’est à dire une personne qui revendique une liberté de mœurs et d’esprit (et est sensé l’accorder aussi aux autres), c’était fort de café. On était à deux doigts d’établir une grille de classification des pratiques sexuelles, de la plus acceptable à la plus condamnable, pour définir un bon et un mauvais libertin.

Dans libertinage, il y a liberté

Je pense que, plutôt que des catégories et des cases, c’est avant tout une question d’envies, de fantasmes, d’opportunités et d’audace. Chacun(e) définit sa normalité sexuelle et celle-ci peut évoluer. Juger l’autre, c’est en réalité projeter ses craintes, ses peurs et ses zones d’inconfort (et cela est valable dans tous les domaines).

Pour ma part, je veux pouvoir être libre de vivre et jouir comme j’en ai envie, dans des registres différents, complémentaires, en fonction de mon inspiration, des interactions et du flow du moment. Et cela n’est pas antinomique. Je peux vivre un soir un gang bang improvisé, le lendemain un duo choisi, le surlendemain un plan scénarisé. Sachant qu’une pratique n’oblige à rien. Le gang bang peut être sensuel, le duo bestial. Je peux me soumettre par choix mais aussi à l’inverse dominer et prendre les rênes dans la bienveillance. Je peux jouer avec une femme comme avec un homme, que ce soit dans une soirée libertine ou le hasard des rencontres est de mise, un plan sur mesure ou un duo choisi. Ce qui compte est l’énergie que l’on donne à l’autre, quelle que soit la configuration.

Je ne veux pas être enfermée dans une pratique, un mode de fonctionnement (même si il y a forcément des éléments récurrents et des configurations qui appellent des pratiques plus que d’autres). Je veux que le champs des possibles soit ouvert et pouvoir possiblement être surprise. Nous sommes davantage que des catégories à cocher sur notre fiche wyylde. N’oublions pas que dans libertinage, il y a liberté.



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